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Paul BOCCARA

interview à l'Humanité des 1er, 2 et 3 juin 2012

• Que pensez-vous de la déclaration des dirigeants européens qui lors de leur récente rencontre ont affirmé vouloir « que la Grèce reste dans la zone euro tout en respectant ses engagements », c’est-à-dire les plans d’austérité insupportables qu’on lui a imposés ?

Le défi est double. Il s’agit d’abord pour les Grecs de ne pas sortir de l’euro car ce serait très grave pour eux et pour toute l’Europe. Même si l’on dit qu’il y a eu des travaux sur cette question, il y a une position très ferme des dirigeants européens pour que la Grèce reste dans l’euro. En même temps, ces dirigeants déclarent qu’elle doit tenir ses engagements concernant des plans d’austérité d’une gravité extrême, qu’il s’agisse de la réduction des dépenses publiques, sociales, de salaires, de retraites, les services publics et les privatisations Il y a même une sorte de chantage exercé en affirmant : « Ou vous acceptez tous les engagements concernant les plans d’austérité, ou il n’y aura pas de soutien européen à vos finances publiques ».

Ensuite, il faut donner une autre orientation à l’Union européenne et particulièrement à la zone euro, et pour nous, mettre en avant une solidarité de propositions et de luttes avec nos camarades et amis grecs. Contrairement à ce qui est affirmé, Syriza, le Front de gauche grec, est pour l’Europe, contre une sortie de l’euro mais pour une Europe différente. Pour eux, pour nous, pour toute l’Europe il y a besoin de rompre avec l’austérité, et de se donner d’autres moyens.

• Quelles conséquences aurait une sortie de la Grèce de l’euro?

Certains l’évoquent tout en prétendant la refuser. La Grèce reviendrait à la drachme avec une dévaluation très forte par rapport à l’euro, les experts l’évaluent à 50 ou 60 %. Elle subirait une inflation considérable, une récession beaucoup plus brutale que celle subie actuellement, alors qu’elle a déjà perdu 1/5e de son PIB depuis 2008. Cet ensemble de difficultés entraînerait une nouvelle contraction des dépenses publiques et sociales donc des malheurs aggravés pour le peuple grec avec tous les risques possibles, y compris politiques pour toute la région. Tous les pays européens seraient eux-mêmes concernés. Les prêts à la Grèce des bailleurs de fonds, qu’il s’agisse de la Banque centrale européenne (BCE), du Fonds monétaire internationale (FMI), de la Commission européenne, du Fonds européen de stabilité financière (FESF) aussi, seraient menacés, avec des pertes considérables pour tous. On les a chiffrées entre 150 et 300 milliards d’euros dont 50 pour la France. Troisième conséquence : les risques de contagion. L’Espagne est déjà en très grande difficulté, avec les problèmes de ses banques, la hausse considérable des taux de ses emprunts publics qui frôlent les 7 %. Elle serait beaucoup plus chahutée par les marchés financiers, l’Italie ne serait pas non plus épargnée, ni non plus le reste de la zone, y compris la France.

• François Hollande veut remettre la question de la croissance au cœur des discussions européennes est-ce justifié ?

Oui, parce que précisément les mesures d’austérité, en réduisant les dépenses publiques et sociales, entraînent un freinage de la croissance et une récession qui empêche de sortir des difficultés, renforcent l’endettement public. Cette idée est montée après l’intervention de François Hollande car toute la zone euro a une difficulté de croissance considérable, même si sa partie sud est la plus concernée.

Selon l’OCDE, c’est l’ensemble de la zone euro qui devrait être en récession en 2012 avec -0,1 %. Même l’Allemagne en subit le contrecoup car 40 à 50 % de ses exportations sont dans la zone euro. Elle commence à avoir de premières difficultés qui ont des conséquences politiques et sociales. La position de François Hollande est très contradictoire. D’un côté, il affirme ce besoin de croissance, y compris lorsqu’il se prononce pour une renégociation avec l’Allemagne du traité budgétaire, et de l’autre il semble se contenter d’un ajout « croissance » à ce pacte.

Il ne peut pas conserver les mesures d’austérité, de réduction des dépenses publiques et ajouter de la croissance. François Hollande a évoqué durant la campagne la BCE et en même temps il maintient pour la France la réduction du déficit à 3 % en 2013 et à 0 % en 2017. Il y a un problème de cohérence pour l’efficacité. Ces contradictions ne doivent pas nous conduire à considérer que l’on ne peut rien faire et qu’il faudrait simplement dire que ce que fait François Hollande ne va pas du tout.

Mieux vaut considérer qu’il est possible de surmonter cette contradiction. Le Front de gauche peut y contribuer en France et en Europe en mobilisant en faveur d’une autre orientation de l’action du Président de la République. Cela dit, il faut se demander de quelle croissance il s’agit.

Guido Westerwelde, ministre allemand des affaires étrangères, par exemple, évoque l’importance pour la croissance d’une ouverture plus grande du marché du travail, de plus de flexibilité tout en réduisant les dépenses publiques. Cela s’oppose à une conception fondée sur une sécurisation pour l’emploi, sur des dépenses publiques.

• Le président français propose de faire des eurobonds l’outil privilégié de cette relance, qu’en pensez-vous ?

La question d’autres emprunts en Europe est posée. François Hollande propose des eurobonds, des émissions en commun d’obligations européennes publiques pour permettre des dépenses publiques favorisant la croissance. Il y a l’opposition en Allemagne d’Angela Merkel. Elle dit que les eurobonds ne sont pas une solution pour la croissance et qu’ils sont contraires aux traités. En vérité, il faudrait d’autres titres de dette publique qui ne seraient pas financés par le marché financier mais par la BCE.

On peut aussi envisager des emprunts au niveau européen et des différents pays. Ils seraient obligatoires par exemple pour les compagnies d’assurances, non négociables, à très faibles taux d’intérêts. Ce n’est pas du tout irréaliste car ce qui monte actuellement au niveau des emprunts publics c’est le besoin de sécurité plutôt que de taux d’intérêt élevés. L'Allemagne emprunte actuellement à 0 % et avec l’inflation, ses taux sont négatifs car les investisseurs recherchent avant tout la sécurité. Celle-ci pourrait tout aussi bien être assurée par des garanties publiques et sociales.

• L’annulation des plans d’austérité qui accablent le peuple grec peut-elle être suffisante pour permettre au pays de sortir de ses difficultés ? L'Espagne et l’Italie sont également très en difficulté et souhaitent que la BCE reprenne les achats de leurs titres de dette publique afin de réduire la pression des marchés financiers. Est-ce la solution pour les pays en difficulté ?

Ça l’est en partie. L’annulation des mesures d’austérité n’est pas suffisante. Il faut un autre financement pour une croissance nouvelle, réelle, soutenue, liée à des avancées et un progrès social. Il faut une restructuration des dettes, pour la Grèce, cela a déjà commencé. Syriza demande qu’on l’accentue. Mais la question cruciale c’est l’intervention de la BCE. On ne peut se contenter de l’évoquer au passage, ce qui se fait de plus en plus, de François Hollande à l’Irlande, en passant par le chef du gouvernement espagnol. C’est sur cette question du rôle de la BCE qu’il faut changer de vision des choses pour une autre orientation de la zone euro.

Il faut s’émanciper de la domination des marchés financiers sur les dettes, qu’il s’agisse du Fonds européen de stabilité financière ou des dettes des Etats grâce à une intervention systématique et nouvelle de la BCE. Contrairement à ses dogmes, celle-ci a été obligée de changer de pratique en raison de la gravité de la crise. Elle a du acheter directement ou indirectement une grande quantité de titres de dette publique européenne : 207 milliards d’euros entre 2010 et la fin 2011. Actuellement, nous en sommes à 212 milliards ce qui montre qu’en 2012 il y a eu une sorte d’arrêt. Il faut reprendre ces achats surtout pour les pays du sud sans les lier à la mise en œuvre de mesures d’austérité.

La BCE a des capacités considérables. Elle a récemment prêté 1 000 milliards sur 3 ans à 1 % aux banques. Le problème est que celles-ci ne les utilisent ni pour prendre des titres de dette publique ni pour relancer la croissance. Elles essaient de faire de l’argent avec. François Hollande durant la campagne s’est prononcé en faveur d’une intervention de la BCE. Au soir du deuxième tour de l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon est intervenu en disant à Cahuzac qu’il fallait cette intervention de la BCE comme le font la Fed américaine et la Banque d’Angleterre qui prennent systématiquement des dettes publiques, et celui qui est devenu depuis le ministre du Budget a acquiescé. Ce n’est certes pas un engagement politique mais cela montre qu’il y a des possibilités d’avancer sur ces questions.

Il y a deuxième processus à engager à partir de la BCE pour régler le problème. Il faut que la banque centrale crée de la monnaie pour racheter directement et systématiquement, dès leur émission, des titres. Il s’agit d’apports de fonds de la BCE aux États européens à des taux très bas, 1 % par exemple, pour une institution financière nouvelle, affectés pour une finalité sociale, le développement des services publics, de l’éducation, de la santé, de la recherche, … Cela se ferait au travers du Fonds européen de développement social et écologique qui a été proposé par le Parti de la Gauche européenne (PGE), avec le PCF, le Front de gauche, Syriza, Izquierda unida, … Il n’y aurait ainsi pas seulement le financement d’une demande, mais aussi d’une autre productivité, transformation de l’offre grâce à la formation, à la recherche, … en coopération pour une nouvelle croissance fondée sur le progrès social.

• Quelles autres mesures fondamentales faut-il envisager pour sortir la zone euro de sa crise ?

Il faut deux autres ensembles de mesures. Il s’agit d’abord du crédit et des banques. Là encore la BCE peut intervenir car elle refinance les banques, elle leur donne des euros. Elle pourrait baisser ses taux - elle l’a d’ailleurs fait - mais elle pourrait faire pression sur les banques pour qu’elles mêmes pratiquent des taux très bas, très abaissés, voire zéro ou négatifs dès lors que cela est utilisé pour des investissements réels, non spéculatifs, des investissements matériels ou des recherches, favorables à l’emploi efficace et à la formation. Cela se rattache à toute la mise en cause de l’action des banques à laquelle on assiste dans toute l’Union européenne et aux intentions affichées dans ce sens par le Président de la République. Nos camarades grecs de Syriza insistent sur le fait qu’il ne suffit pas d’aller au gouvernement, il faut aussi avoir le pouvoir et le pouvoir c’est notamment celui des banques et de la BCE.

A partir du gouvernement il s’agit de le conquérir plutôt que de le leur laisser. Il y a un besoin dans tous les pays de recapitaliser des banques. Cela doit s’accompagner d’un contrôle public, voire de nationalisations. En France nous proposons un pôle public financier. Il faut aussi lutter contre la spéculation des banques afin qu’elles utilisent autrement ces refinancements. François Hollande a fait des propositions en ce sens, notamment en faveur d’une séparation entre banques de dépôts et banques d’affaires comme mesure anti-spéculation. Il nous faut les pousser avec l’intervention du Front de gauche, avec la mobilisation citoyenne. François Hollande propose également une banque publique d’investissement. Il faut réfléchir à son articulation avec le pôle public financier et le Fonds stratégique d’investissement tenu par la Caisse des dépôts.

Le deuxième ensemble concerne les dépenses budgétaires, à l’opposé de l’idée qu’il ne faudrait aucun déficit, aucune dette. Il peut y avoir une bonne dette si elle est bien utilisée pour la croissance. Cela s’oppose au Pacte budgétaire européen dont la renégociation se pose comme l’a affirmé François Hollande. Il ne s’agit pas simplement de rajouter un volet croissance. Il faut mesurer la gravité de ce Pacte budgétaire et rendre populaire l’exigence d’une rupture avec lui et le traité qui le fonde. Les mesures antérieures du Pacte de stabilité - déficit de 3 % et endettement public de 60 % du PIB - ont été sensiblement renforcées. On évoque maintenant un déficit de 0,5 %. Il y a désormais des sanctions qui sont programmées avec des pénalités automatiques très graves. Pire encore, il faut soumettre les budgets nationaux à la Commission européenne qui doit les approuver. Il a ainsi un aspect de domination fédéraliste pour le libéralisme contre les parlements nationaux.

• Comment rassembler en France et en Europe autour de ces idées ?

Il y a de grands axes tels que le besoin de création monétaire de la BCE au lieu de l’appel aux marchés financiers qui peuvent être démultipliés en liaison avec une mobilisation citoyenne et sociale, avec les revendications et les luttes. Ces idées doivent répondre aux besoins, aux souffrances du chômage, aux difficultés d’accès aux services publics. Actuellement, alors qu’ils se multiplient, il faut à la fois refuser les licenciements, réclamer un moratoire, et aussi mettre en avant les solutions possibles. Le refus sera d’autant plus fort que l’on proposera de faire autrement. Cela concerne les syndicats. La confédération européenne des syndicats (CES) par la voix de Bernadette Segol, sa secrétaire générale, insiste dans « L’Humanité »sur la nécessité de la croissance, s’oppose à l’austérité, à la flexibilité du travail, à la réduction des salaires, appelle à mobiliser les capacités de la BCE.

Il y a aussi nécessité d’un rassemblement au niveau électoral. Le Front de gauche présente des candidats pour avancer dans ce sens, pour affirmer le besoin d’une autre Europe, plus radicale, plus cohérente que celle affichée par le Parti socialiste. Plus il y aura d’élus du Front de gauche et plus le rapport de forces pourra être différent.

En Grèce les élections législatives auront lieu également lieu le 17 juin, et il y a de fait convergence des luttes dans toute l’Europe avec ces mobilisations électorales, mais aussi les luttes un peu partout. Le Parti de la Gauche européenne peut jouer un rôle mais aussi toute la gauche, y compris la social-démocratie européenne.

En Allemagne il vient d’y avoir des élections avec le recul de la formation d’Angela Merkel et une progression du SPD qui se rapproche des positions de son homologue français. Il faudrait d’ailleurs organiser ces convergences de lutte et aussi des discussions communes et pourquoi pas un colloque européen avec des syndicalistes, des politiques, des associatifs, des économistes. La question posée en liaison avec ces problèmes de financement, c’est celle d’une autre construction politique de l’Union européenne.

Il y a interpénétration entre les problèmes économiques et politiques qui posent la question des pouvoirs sur les banques, dans les entreprises, sur les gestions, dans les services publics Des pouvoirs de démocratie participative, nous voulons une VIe République en France. La question se pose au niveau de l’Union européenne pour le développement d’une confédération d'États associés, coopérants, solidaires, au lieu d’un fédéralisme au service de la banque et du néolibéralisme, la construction d’une démocratie sociale, participative, une démocratie internationaliste au lieu de la domination de l’Europe par l’Allemagne alliée à la France mais la dominant également.

Cela débouche aussi sur le plan mondial. On ne peut pas traiter l’Europe sans le monde. Il n’est qu’à se référer aux problèmes des délocalisations, du dumping social. D’ailleurs la croissance européenne est très importante pour le monde, comme l’a dit Obama au G8. Cela renvoie à la question de la création monétaire du FMI qui, actuellement, soutient les financements publics européens, et d’un changement de son orientation, de sa démocratisation contre la minorité de blocage des États-Unis, pour une croissance mondiale de progrès social.

Il faut une autre création monétaire du FMI, déjà avec les Droits de tirage spéciaux et à partir de là avec une autre monnaie commune mondiale que le dollar, proposée notamment pas la Chine et soutenue par de grands émergents. Cela permettrait de refinancer les banques centrales, là aussi pour développer les services publics et les biens communs publics de toute l’humanité.

Entretien réalisé par Pierre Ivorra


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