Il se
présente cependant paré de toutes les vertus de
la rigueur et de l’équité, du soutien
du pouvoir d’achat des « couches
laborieuses ». Il est significatif que la presse
d’influence sociale libérale ait, rendu une sorte
d’hommage à ce projet.
Ainsi,
l’éditorial du Monde du 28 septembre 2006,
intitulé
significativement « effort
tardif », en rajoute
dans l’appel à
l’austérité au nom du
surendettement la France. On relève aussi le titre de Une de
La
Tribune du 28 septembre 2006 saluant :
« Budget
2007 : moins de dettes, moins
d’impôts » et
en appelant, en page intérieure à
« la chasse
aux gaspis ». Cela renvoie tout
particulièrement
à cette obsession commune anti-dépenses publiques
et
sociales qu’exprime le consensus PS/droite tant sur la LOLF (1), que sur le Pacte de
stabilité.
Mais,
positionnement pour l’alternance oblige, le PS met en avant
le
manque de sincérité des comptes et exige un audit
des
finances publiques avant l’élection
présidentielle.
Cela prépare-t-il le terrain, en cas d’alternance,
à une énième opération de
dénonciation de
« l’héritage » ?
On est
donc face à un exercice difficile où la
bipolarisation va marcher à fond, alors que
précisément il faudrait l’enrayer en
contribuant à un vaste rassemblement pour une politique
alternative de transformation sociale radicale.
Il
semble donc que la dénonciation de ce projet de budget doit
être d’autant plus forte qu’il serait
nécessaire de faire avancer dans le rassemblement, hors du
Parlement, la prise en main par les gens eux-mêmes de grands
axes de transformation sociale. Cette exigence doit pouvoir se faire
entendre jusque dans l’Hémicycle.
5
pistes de riposte et d’initiative
1) Etablir un pouvoir citoyen sur les
politiques publiques.
La
mise en oeuvre de la LOLF est une véritable entreprise de
dessaisissement des élus et des citoyens sur
l’utilisation des fonds publics. Sous prétexte de
transparence et de performance, se développe une mise sous
tutelle de la politique budgétaire par les instances
européennes.
La
France fait ainsi l’objet d’une
véritable politique d’ajustement structurel, sous
la houlette de la BCE, qui commence à rappeler celles
infligées aux pays en développement par le FMI au
nom du traitement de la dette.
C’est
un déni de démocratie très grave
conçu pour frayer le chemin d’une marchandisation
des services publics et des fonctions administratives de
l’État. Or, ce sont des biens communs relevant de
l’intérêt général
et dont la maîtrise doit revenir aux élus de la
Nation et aux citoyens. L’exigence de pouvoirs
réels d’interventions des populations dans
l’élaboration et la conduite de la politique
budgétaire et de toutes les politiques publiques doit
être posée avec force, y compris pour ressourcer
le travail parlementaire.
Cela
rappelle aussi la nécessité de Commissions
nationale et décentralisées de contrôle
des Fonds publics attribués aux entreprises pour
établir leur efficacité sociale.
2) Mettre en cause la liaison entre la LOLF et
la programmation triennale des finances publiques 2008 - 2010 dans le
cadre du Pacte de stabilité.
L’objectif
d’un équilibre budgétaire à
l’horizon
2010 paraît d’autant plus fou que le cycle
conjoncturel
actuel, amorcé vers 2003 - 2004 en France et en Europe
devrait
se retourner vers 2010 - 2013, de la même façon
que le
précédent cycle, incluant
l’épisode
« gauche plurielle »,
s’est retourné
en 2001.
Nous
assistons aujourd’hui à ce que les
économistes appellent « des
difficultés de milieu de cycle » comme en
attestent le ralentissement de la croissance et la remontée
des taux d’intérêt. Les capitalistes
vont chercher à y répondre par de nouveaux
investissements rejetant les travailleurs dans le chômage en
faisant appel, cette fois-ci, aux nanotechnologies notamment.
C’est
de la même façon, en effet,
qu’à partir de 1995 il avait
été fait appel à une
précédente génération de
technologies informationnelles dans ce que l’on a
appelé, alors, la « nouvelle
économie », le tout se terminant dans une
nouvelle crise de suraccumulation du capital.
- Comment
la France se présente-t-elle dans cette phase du
cycle ?
- Comment
la politique budgétaire l’aide-t-elle à
se saisir des enjeux à venir ?
Il
faut dénoncer avec force les choix retenus pour 2007.
Ils
vont contribuer à miner encore plus profondément
les ressorts de la croissance et placer la France dans une situation de
grande fragilité lors du prochain retournement conjoncturel.
C’est
cette politique qui prépare de nouveaux enfoncements dans la
dette ! Une toute autre option, un tout autre projet, sont
nécessaires, avec, au coeur, un soutien sélectif
et la relance des dépenses nécessaires au
développement des capacités humaines
(santé, éducation, recherche,...).
C’est dire le besoin d’une mise en cause du Pacte
de stabilité et des orientations de la BCE.
3) Soutenir la recherche et la formation pour
préparer l’avenir.
Ce
projet de loi de finances s’inscrit dans une politique qui
prétend préparer l’avenir et entend
décharger les générations futures du
fardeau de la dette. C’est une énorme tromperie.
On a
vu l’hémorragie d’emplois dans
l’Education nationale et l’insuffisance criante des
hausses prévues dans le supérieur et la
recherche. Les enveloppes accordées aux grands organismes
publics de Recherche demeurent des peaux de chagrin, tandis que
l’on met le paquet sur le financement public de la Recherche
soumise aux exigences de rentabilité financière
de grands groupes privés.
Il
faut d’autant plus le dénoncer que la France,
comme l’Europe, marquent un très gros retard sur
les États-Unis en matière de
recherche-développement, vu la faiblesse de
l’implication réelle des entreprises en ce
domaine. Les dotations à l’ANR et OSEO-Anvar vont
servir, surtout, au déploiement de la politique des
« pôles de
compétitivité ». Ceux-ci ne
sont soumis à aucune obligation chiffrée en
matière de création d’emplois et de
mises en formation. Dominés par de grands groupes
privés, leur contrôle échappe largement
aux élus de terrain et aux organisations
représentatives des salariés. Il faudrait, au
contraire, développer des pôles de
coopération pour articuler les efforts de recherche, de
formation et d’investissements à des
programmations chiffrées d’emplois et à
une promotion cohérente des filières
industrielles et de services sur tout le territoire.
C’est
dans ce but aussi qu’il faut promouvoir un autre type
d’entreprises publiques au lieu des privatisations.
L’insuffisance criante des efforts pour la formation initiale
et continue, comme pour la Recherche marche de paire, dans le budget
2007, avec la pression sur l’emploi et les salaires et le
soutien des marchés et placements financiers.
C’est cela qui est au coeur des déficits publics
et sociaux et de leur accumulation dans l’endettement.
La
remontée
des taux d’intérêt, qui va alourdir le
service de
cette dette, résulte des choix la Banque centrale
européenne
« indépendante »
à laquelle la politique budgétaire de la France
se plie.
Par ailleurs, si l’on veut parler de dette, il faudrait aussi
parler de celle que creusent les exportations de capitaux et
l’accumulation des déficits commerciaux de la
France au
sein de la zone euro, particulièrement vis à vis
de
l’Allemagne, et dont la résolution se fait par des
destructions d’emplois et des prises de possession
d’entreprises françaises par des capitaux
étrangers.
4) Rassembler sur d’autres choix pour
l’emploi.
Il
faut combattre avec une grande vigueur le volet emploi de ce projet de
budget.
Il
s’inscrit dans une politique qui s’est
officiellement donné pour priorité la lutte
contre le chômage et la création
d’emplois. En fait de lutte contre le chômage, le
bâton contre les chômeurs et leur culpabilisation
remplacent de plus en plus les efforts d’accompagnement et de
formation pour leur retour à l’emploi, alors
même que leur indemnisation ne cesse
d’être rabotée.
Simultanément, on multiplie les emplois à
très bas salaire et basse qualification - que les
chômeurs sont contraints d’accepter - et qui,
moyennant des baisses considérables de cotisations sociales
patronales, accentuent les pénuries de
main-d’oeuvre qualifiée et accroissent la tendance
au déficit des comptes sociaux.
On
peut ici rappeler avec force les conclusions d’un
récent rapport de la Cour des Comptes pour la Commission des
finances de l’Assemblée nationale, dont toute la
presse s’est fait l’écho. Il signale
l’inefficacité des baisses de cotisations sociales
patronales, leur coût considérable pour les
finances publiques et sociales et leur opacité.
Il
paraît donc indispensable de préparer un grand
moment de la bataille sur ce sujet qui se retrouve au coeur du
consensus entre la droite et le PS. On mesure l’importance de
la proposition alternative du PCF qui vise à affecter les
fonds alloués aux exonérations de cotisations
à un Fonds national pour l’emploi et de la
formation régionalisé qui bonifierait de
façon sélective le taux
d’intérêt des crédits
attribués aux entreprises pour financer leurs
investissements. Plus ceux-ci programmeraient d’emplois et de
formations et plus le taux d’intérêt des
crédits à moyen et long terme servant
à les financer serait abaissé.
Cette
position paraît d’autant plus
d’actualité que le Premier Ministre a
annoncé la tenue, avant la fin de
l’année, d’une Conférence
nationale sur les revenus et l’emploi à laquelle
il s’agit de riposter par la tenue d’Assises
régionales et nationales pour sécuriser
l’emploi et la formation. En effet, on va assister
à un formidable déversement de
démagogie sur le thème de la
« sécurisation des parcours
professionnels » s’agissant de la droite,
ou de la « sécurité sociale
professionnelle » s’agissant du PS qui a
repris à son compte le mot d’ordre de la CGT.
La
droite essayera, à cette occasion, d’ouvrir les
voies d’un pacte social à l’allemande
visant à intégrer les organisations syndicales et
mettant au défi le PS.
Tout
cela invite à :
- Porter
très fort les revendications salariales des fonctionnaires
et agents de l’État,
- Exiger
de l’État un plan de résorption des
emplois précaires par leur transformation en emplois stables
et sous statut.
- Exiger
une « sécurisation de l’emploi
et de la formation », en liaison avec les moyens
financiers et les pouvoirs nécessaires, au lieu de la
démagogie consistant à reprendre
l’idée de sécurisation, sans mise en
cause de la gestion des entreprises et de la dictature du
marché financier. D’où
l’importance de la proposition sur les Fonds
régionaux et sur le Fonds national.
5) Pour une réforme de la
fiscalité :
Il
faut mettre en cause la réforme réactionnaire de
l’impôt sur le revenu engagé par le
gouvernement. Cela exige une refonte du barème accroissant
la progressivitée de l’impôt. Son poids
relatif dans les recettes fiscales d’État doit
augmenter avec la fin de la détaxation des revenus
financiers et immobiliers du capital.
Les
velléités de modulation du
prélèvement de l’impôt sur
les sociétés en fonction de la croissance de la
masse salariale (c’est-à-dire de
l’emploi en quantité et qualité) dont
atteste le plan « Gazelles »
inclus dans le projet de budget 2007 confirment paradoxalement la
pertinence des propositions du PCF :
- qu’il
s’agisse du mécanisme de bonification
sélective du taux d’intérêt
des crédits à
l’investissement ;
- qu’il
s’agisse aussi de la proposition de modulation de
l’impôt sur les sociétés
selon l’origine des bénéfices
réalisés et la nature de leur
réemploi.
Enfin,
la plus grande affaire paraît être celle de la taxe
professionnelle, en liaison étroite avec ce que laisse
entrevoir le projet de budget pour les collectivités
locales. Le « contrat de croissance et de
solidarité » va être reconduit
en 2007, la principale dotation de l’Etat aux
collectivités locales augmentant de 2,75%.
À
moyen
terme, l’objectif demeure d’aligner les
dépenses des
collectivités sur le rythme de l’inflation.
C’est
dans ce contexte que va jouer en 2007 la réforme de la taxe
professionnelle adoptée en 2006. Les entreprises ne seront
plus
imposées au delà de 3,5% de leur Valeur
ajoutée.
En outre, celles qui investissent bénéficieront
d’un allègement de leur impôt
à travers un
dégrèvement pour investissement nouveau (DIN). Ce
dégrèvement, total pour la première
année
d’investissement, se réduirait progressivement au
cours
des deux suivantes. Cette réforme revient, en
réalité, à faire progresser la
référence à la Valeur
ajoutée dans le
calcul de cet impôt. Corollairement cela met en cause sa
nature
d’impôt pour l’efficacité du
capital dans les
entreprises.
Les
ressources nécessaires pour l’autonomie des
collectivités locales s’en trouveront
réduites, diminuant en réalité la
responsabilité territoriale des entreprises. C’est
dans les zones industrielles, où cette
responsabilité devrait, au contraire, être
affirmée, que cette réforme devrait avoir les
effets les plus considérables. Elle pousserait
simultanément à maintenir ou accroître,
ailleurs, des friches ou des déserts industriels.
Cette
mesure incommode beaucoup d’élus locaux. Une
grande bataille d’opposition pourrait être
menée avec, à l’appui, la
contre-proposition de taxation des actifs financiers des entreprises et
des banques qui, à un taux de 0,5%, permettrait de
dégager une ressource nouvelle et
péréquable de la taxe professionnelle proche de
20 milliards d’euros en année pleine.
Yves DIMICOLI :
reponsable du secteur "Economie - Social - Finances"
(1) : Loi
d’orientation de la loi de finances
Source :
ECONOMIE ET POLITIQUE 624-625 JUILLET-AOUT 2006