Bernard
Calabuig, membre du comité exécutif national
chargé de l’école, de
l’enseignement supérieur et de la recherche et
Olivier Dartigolles, porte parole du PCF tenaient une
conférence de presse le mercredi 11 octobre 2006,
à propos de la rentrée universitaire et de
l’initiative nationale du PCF en direction des
étudiants et personnels unversitaires, le 24 octobre 2006.
Enseignement
supérieur : quel bilan en cette
rentrée ?
La
rentrée universitaire confirme les inquiétudes
qui ont accompagnées la rentrée
scolaire : loin des discours sur la
« Société de la
connaissance », que l’on retrouve dans de
nombreux propos de présidentiables, et
inévitablement dans la bouche de Nicolas Sarkozy,
l’enseignement supérieur traverse dans notre pays
une crise une crise profonde.
Un système inégalitaire
L’enseignement
supérieur comme l’ensemble de notre
système éducatif reste un instrument de
reproduction sociale : 68% des élèves
orientés en 3ème vers un parcours professionnel
sont issus des milieux les plus populaires.
Conséquence : dans le supérieur, les
enfants d’ouvriers sont, en proportion, deux fois moins
nombreux que la moyenne d’une classe
d’âge. C’est l’échec
d’une politique qui parle de « donner sa
chance à tous » mais qui dans la
réalité ne se donne pas comme objectif
d’éradiquer cette
ségrégation scolaire et universitaire, de rendre
impossible que 100.000 étudiants vivent
aujourd’hui sous le seuil de pauvreté comme
c’est le cas, de faire en sorte que notre système
éducatif soit un outil d’émancipation
individuelle et sociale performant. Depuis 15 ans, ces
inégalités croissent de nouveau. Elles ne sont
plus compensées par les dispositifs de bourses qui
progressent moins que le coût de la vie (et notamment des
loyers qui explosent) et dont les critères
d’attribution sont trop sélectifs car ils
n’ont pas suivi la massification de
l’accès au supérieur. Sans parler du
RMI qui n’est pas accessible aux moins de 25 ans.
Résultat, 47% des étudiants sont contraints
d’exercer une activité salariée pour
financer leurs études : au détriment de
leurs résultats scolaires (le taux
d’échec des étudiants
salariés est de 40% supérieur à la
moyenne). Seule mesure prise sur cette question par le gouvernement
depuis 5 ans, une prime à l’installation de 300
euros décidée en catastrophe après le
mouvement du CPE. Elle concernera moins de 4 % des étudiants
chaque année, autant dire presque rien. Pire, ces
inégalités sont aggravées notamment
par la hausse des frais d’inscription, souvent
illégaux, qui atteignent parfois des sommes ahurissantes
(3500 euros à Aix / Marseille I).
Un système sous financé
En
effet, le financement du supérieur repose un peu plus chaque
année sur les étudiants.
La
France consacre 1,1 % de son PIB à l’enseignement
supérieur, ce qui est bien moins que la plupart des pays
développés. Là aussi, le budget
n’a pas suivi la massification de
l’accès au supérieur des
étudiants : amphis surchargés, locaux
hors d’âge, manque de matériels
pédagogiques et de personnels, manque
d’accompagnement personnalisé,... La liste est
malheureusement longue..
Mais
tous les établissements de l’enseignement
supérieur ne sont pas logés à la
même enseigne : lorsque l’’Etat
investit 6.824 euros par an pour un étudiant à
l’université, il dépense 13.171 euros
pour un étudiant en grandes écoles ou de classes
préparatoires. Au lieu faire en sorte que
l’université puisse progressivement disposer de
moyens équivalents aux grandes écoles, on
propose, au nom de l’égalité des
chances, de permettre à quelques
élèves issus de milieux populaires
d’intégrer ces écoles prestigieuses.
Quelle parodie d’égalité et quel
mépris pour ceux qui devront continuer à subir la
pénurie qui sévit dans
l’université !
Un système qui ne répond
pas aux attentes et aux impératifs de
développement
Mais
l’enseignement supérieur n’est pas
seulement inégalitaire et sous financé, il ne
répond pas aux attentes des étudiants notamment
en terme d’insertion dans l’emploi et de choix de
cursus, et aux besoins de la société
100.000
étudiants quittent chaque année
l’enseignement supérieur sans diplôme.
La réforme LMD qui était sensée
corriger cela n’a rien changé. Et pourtant, le
gouvernement n’en parle pas et n’entend pas en
faire le bilan.
L’entrée
dans l’emploi est une source
d’inquiétude croissante, comme l’a
montrée l’immense mobilisation de la jeunesse
contre le CPE. Si les plus diplômés connaissent,
trois ans après la sortie du système
éducatif, un taux de chômage de 9 %,
l’entrée dans la vie active est plus lente et plus
précaire encore pour les jeunes qui se trouvent sans
diplôme au sortir de ces années post-bac, avec un
taux de chômage s’élevant à
18 %. Et on ne parle pas de ceux qui auront dû consentir une
réorientation professionnelle majeure pour
accéder à ce premier emploi, accepter des stages
bidons ou des emplois sous-qualifiés et précaires.
A
cette question de l’emploi, le gouvernement répond
de trois façons :
- un
volet d’écrémage visant
réduire le nombre
d’étudiants ;
- un
volet de précarité (ce que le CPE voulait mettre
en œuvre) ;
- un
volet nivellement par le bas avec la professionnalisation des cursus
que le Ministre De Robien cite à tout propos : en
croyant répondre aux métiers
d’aujourd’hui par une professionalisation peu de
chagrin, sous tutelle du Medef et du marché, ce sont bien
les métiers et l’innovation de demain
qu’une telle approche hypothèque. Finalement, le
débat national université / emploi promis par le
gouvernement a fait long feu. La droite privilégie des choix
idéologiques, sinon de
« classe » : son action
sur l’enseignement supérieur en
témoigne et préfigure son projet pour
« une France
d’après ».
Le projet de la droite
La
droite s’appuie sur cette décrépitude,
ce manque de moyens et de résultats du système
éducatif pour lui donner le coup de grâce. Son
projet pour résoudre les difficultés
réelles du système éducatif peut se
résumer ainsi :
- assujettir
un peu plus l’enseignement supérieur au
marché
- mettre
en concurrence les établissements entre eux.
- sortir
du jeu ceux ont le plus de difficulté, et cela le plus
tôt possible
Bref,
ce que propose « le petit Bush »
qu’est Nicolas Sarkozy, c’est d’importer
en France le modèle américain.
A quoi
ressemblerait notre système éducatif si Sarkozy
disposait
de 5 années de plus ? D’abord
à un lieu de
sélection sociale à tous les niveaux :
pour
certains, dès 14 ans avec l’apprentissage, pour
d’autres au niveau bac notamment ceux des filières
professionnelles. L’entrée dans
l’université
ferait l’objet d’une sélection
intensive, y compris
par l’argent, car pour la financer, la hausse des frais de
scolarité exclura le plus grand nombre. Le projet de
Sarkozy,
c’est finalement de monétiser les connaissances
comme
l’illustre bien sa proposition de créer un
« compte épargne
formation »,
d’asservir le savoir aux exigences à courte vue du
marché (en terme de recherche et de diffusion), de
substituer
à la coopération des intelligences, une
compétition stérilisante. Mais si le raisonnement
de
Sarkozy est dangereux, il n’est pas sans contradiction. Car
dans
le même temps qu’’il
s’apprête à
créer un outil de plus en plus sélectif, un
centre de tri
social, il disserte sur le thème de la
« société de la
connaissance »,
celle dont la conférence de Lisbonne faisait il y a
déjà 5 ans un objectif prioritaire.
Lisbonne
faisait d’ailleurs déjà
apparaître cette contradiction majeure :
société de la connaissance, mais au service des
seuls intérêts du capital, de la recherche de
profit. Oui, la droite est empêtrée dans cette
contradiction : car à qui fera-t-on croire que pour
répondre aux défis majeurs du XXIème
siècle, économiques, scientifiques,
écologiques, humains, il faudrait réduire le
nombre des étudiants, laisser une partie de citoyens et des
travailleurs à l’écart de ces
enjeux ? Au contraire, il est indispensable de permettre
à tous d’accéder au plus haut niveau de
culture et de qualification. La France a besoin d’un
enseignement supérieur et d’une recherche forte
pour garantir son avenir. Et pour cela il lui faudra mobiliser des
moyens considérables.
Aux
promesses non tenues de Jacques Chirac en 2002, notamment de
créer 3.000 postes par an dans l’enseignement
supérieur, s’ajoutent en effet
aujourd’hui les promesses de Sarkozy d’augmenter le
budget de 5 milliards en 5 ans. Lui qui aura si assidûment
fait voté la stagnation des crédits depuis 5 ans,
comment pourrait-il être crédible ?
Si
l’on veut durablement faire entrer la France dans la
société de la connaissance, mais de la
connaissance partagée entre tous, il faut de nouveaux moyens
et une nouvelle logique. C’est ce que Marie-George Buffet a
rappelé lors de son intervention à
l’université d’automne de Sauvons la
Recherche. C’est ce que proposent les communistes.
Les propositions du PCF.
Il
faut une triple révolution dans l’enseignement
supérieur.
Une
révolution démocratique
Démocratique
d’abord car il est indispensable que
l’université soit en prise avec la
société et non avec le marché comme la
droite veut l’imposer. Il faut en finir avec ce dogme
libéral qui désaisit les citoyens.
1ère application : faire le bilan, sous le
contrôle des enseignants et étudiants, de la
réforme LMD qui favorise de nouvelles barrières
sélectives, l’explosion du cadre national des
diplômes et la mise en concurrence des universités.
Une
révolution sociale
Sociale
ensuite car si nous voulons réellement
démocratiser l’université, nous devons
nous donner les moyens d’aboutir à une
véritable gratuité des études. Pour en
finir avec la précarité, il faut
s’attaquer à la pauvreté
étudiante. Le salariat auxquels sont contraints 40% des
étudiants est une conséquence inacceptable de la
stagnation des aides et de l’augmentation des
dépenses liées aux études. Il faut
commencer par supprimer les frais d’inscription et instaurer
un statut de l’étudiant ouvrant des droits
nouveaux : une allocation de formation
personnalisée et un accès au logement garanti par
un service public national de l’habitat.
L’épanouissement de chacun passe
également l’accès à la
santé, à la culture, à la
mobilité, aux loisirs et à la
citoyenneté. Il conviendra également de garantir
ces droits par des services publics élargis et
démocratisés.
Une
révolution de l’université
La
3ème révolution que nous devons accomplir,
c’est celle de l’université et des
moyens que lui consacrons. Il faut doubler le budget de fonctionnement
par étudiant, pour permettre aux universités
d’assurer décemment leur mission de formation
(bibliothèques, accès Internet, encadrement des
TP, organisations des stages, etc...). Il faut résorber la
précarité des personnels, créer les
emplois nécessaires, notamment par le recrutement massif
d’enseignants chercheurs sous statut de la fonction publique.
Nous proposons enfin un grand plan de rénovation, de
construction et d’équipement des
universités.
Soyons
clairs, pour réussir l’ensemble de ces
réformes, c’est un effort sans
précédent qu’il faut
consentir : un doublement de la part du PIB que nous
consacrons à l’enseignement supérieur.
Rien ne sera possible sans une réforme profonde de la
fiscalité permettant de socialiser l’argent
inutile, notamment celui de la spéculation
financière.
Porter
et faire vivre des propositions dans le rassemblement
antilibéral
Pour
les communistes, il y a urgence à ouvrir ce grand chantier.
Nous entendons relever ce défi, en mettant en
débat les propositions qui viennent
d’être rappelée brièvement et
qui sont détaillée dans le document (4 pages) que
le PCF vient d’éditer ainsi que dans
« Les 4 engagements pour une politique de gauche qui
change vraiment la vie ». Nous prenons une
initiative de grande envergure, le 24 octobre prochain, en allant
à la rencontre des personnels et des étudiants de
l’enseignement supérieur. Les communistes, leurs
dirigeants et leurs élus mèneront ce
débat sur chaque campus, sur les propositions
qu’ils font et sur la démarche de rassemblement
dans laquelle ils sont engagés. Marie-George Buffet
participera également à cette grande
journée d’action et de rencontre, sur un campus de
la région Île de France en débattant de
la précarité des étudiants, de leur
orientation professionnelle, leur insertion dans l’emploi, et
plus largement de leur avenir